Je pédale, tout en continuant mon jeu de devinettes. Aux aguets, j’imagine ce que ce petit village surprenant a bien pu encore nous jouer comme tour. Mais, arrivée à Vaithekuppam, je ne note rien d’anormal. Je m'engage dans la "grande" rue qui précède la nôtre : toujours rien à l'horizon.
Serait-ce donc dans notre ruelle qu’il se passe quelque chose ?! Effectivement, je ralentis, car quelques personnes veillent là dehors, rassemblées autour... d’un cercueil transparent et décoré de fleurs, et qui laisse totalement voir le mort qui repose paisiblement… (Comment il se conserve par cette grande chaleur, c’est une autre question).
Ces cercueils, je les connais bien, pour en croiser souvent des vides sur le trottoir à côté de l’hôpital, devant lequel je passe parfois le matin pour me rendre au bureau. Et puis, ça n'est pas la première fois que je vois un mort exposé aux yeux de tous dans sa boîte transparente, lorsque maman était là, nous en avions vu un à Vaithekupam. Par contre, c’est bien la première fois que j’ai un mort comme voisin…et ça fait une drôle d'impression.
Alors que je gare mon vélo, jetant des coups d’œil furtif à la scène inhabituelle, une pensée pas très catholique me vient à l’esprit, "pourvu qu’ils ne chantent pas toute la nuit" ! L’histoire veut que non, ils n’ont pas chanté toute la nuit, ils n'ont commencé qu'aux aurores... Lamentations, pleurs et cris ont alors eu lieu pendant deux jours.
Lorsque je suis descendue le lendemain matin, le paysage avait changé, plus de chaises, un genre de chapiteau dressé au dessus de leurs têtes et un orchestre (orchestre qui m'a d'ailleurs tant suivi des yeux à mon passage que j'en fus horriblement gênée par rapport au mort). Au bout de la rue, des feuilles de bananiers chargées de fruits formaient une arcade, comme pour frayer un chemin au mort vers son autre vie Ou bien pour tout simplement pour indiquer l'endroit du deuil aux personnes venues témoigner de leur respect...