
Gare routière de Khajuraho, une mère et son enfant
Itinéraire Khajuraho - Varanasi: 4H de bus jusqu'à Satna, 90 roupies, puis 10H de train couchettes environ, 500 roupies en moyenne)
Nous arrivons à la gare de Khajuraho avec assez d'avance pour nous faire de nouveaux potes indiens et signer quelques autographes sur l'agenda de jeunes autochtones masculins, qui nous regardent toujours avec curiosité. Une fillette de 13 ans reste "papoter" avec nous (bizarrement les autres touristes françaises, assises un peu plus loin sur des chaises, sont laissées tranquilles). La petite est marrante, elle nous apprend le Hindi. Elle me réclame du savon; je lui offre un bloc note emprunté définitivement à un hôtel et un stylo. Alors que nous nous installons, un peu plus tard, dans notre bus, et que nous tentons d'apercevoir la gamine, elle surgit à côté de nos sièges, avant de descendre à contrecoeur lorsque le moteur se met à vrombir. Elle agite tristement la main à mesure qu'elle se fait petite dans le rétroviseur. Une belle rencontre...

Mad cow on the Gange...
Le trajet est plutôt agréable, malgré un bus local bondé non climatisé, qui penche de temps à autres dangereusement à droite ou à gauche; l'air qui passe par la fenêtre nous rafraîchit et nous somnolons (nous dormirions si le chauffeur n'avait pas eu l'idée de passer un film d'action pourri qui dépasse le volume sonore acceptable d'une discothèque). A Satna, nous prenons un train; je tombe comme une masse, nichée dans une couchette en hauteur et bordée de tout mon bric à brac. Dommage que la nuit finisse si tôt; n'ayant pu obtenir de train direct jusque Varanasi, nous atterrissons à M. Sarlai à 4H00 am. Comatage intense dans un café de la gare (où les rats ont élu domicile) avant d'oser sortir pêcher un rickshaw -qui tombera en rade sur la route-. Nous arrivons sur un grand pont qui traverse le Gange, ça y est, les yeux grand ouverts, nous découvrons - et dévorons- Varanasi.

Mais Varanasi, c'est quoi, au final?
La ville du Dieu Shiva. La ville sainte la plus sacrée d'Inde.
Oui, mais Varanasi, c'est aussi...
Bénares. Les colons anglais, qui n'arrivaient pas à prononcer correctement son nom, l'ont renommée ainsi.
Une ville en mouvance perpétuelle. Où l'on dégouline de sueur en permanence.
C'est aussi des kilomètres de ghâts, ces gradins qui servent de berges au fleuve. Nous débarquons sur le ghât prinncipal, le Dashâshvamedh. Céline s'installe dans une petite guesthouse très sympa sur une terrasse qui domine tout le Gange. Même si le confort est strict minimum et que des gros lézards-caméléons recouvrent les murs bleus de l'endroit, on y sert d'excellents lassis (banane, chocolat ou café) qu'on sirote face à l'immensité du fleuve sacré. C'est tellement apaisant, et une étrange sensation m'envahit à mesure que j'observe les ablutions et autres occuoations des gens, un concentré de vie humaine, se dérouler sous mes yeux.

C'est aussi... un fleuve sacré, qui me paraît sacrément sale; il faudrait me payer cher pour y tremper ne serait-ce qu'un doigt de pied. D'autant plus que j'aurais peur de me trouver nez à nez avec un cadavre. Varanasi est, je le rappelle, le lieu où tout Hindou rêve de mourir; en effet, le fleuve permet d'atteindre le moshka (la délivrance), qui signifie la fin des réincarnations. Si les crémations ont lieu sur les bords des eaux sacrées, on y jette aussi les corps morts des êtres purs (bébés, femmes enceintes et ... VACHES!!!).
Les Indiens, plongent dans le Gange le coeur joyeux, s'y savonnent, y lavent leur linge, y font leurs prières...

Un voyant à la Vishnou Guesthouse, c'est lui qui a réclamé la photo...(qu'il prend très au sérieux!)
C'est aussi un harcèlement permanent pour les toutistes; la monnaie de la pièce d'un "voyeurisme" déplacé? "L'étranger ne peut se promener sans être arrêté tous les cinquante mètres par un mendiant, un trafiquant, un gosse morveux, un colporteur, un véritable artiste peintre, un sage hindou, un chien ou une vache...C'est le zoo. Le zoo urbain. Un marais infesté de sangsues", Marc Boulet.

La cérémonie du Puja, célébrée chaque soir à la tombée de la nuit en l'honneur du Gange
C'est encore ... un dédale de ruelles labyrinthiques (la vieille ville), véritable caverne d'Ali Baba du shopping. Soie, vêtement, bijoux et babioles. Lorsqu'il pleut, les bouses de vaches qui jonchent le sol se diluent et dégoulinent entre les détritus jettés n'importe où. La frontière entre odeurs abominables et délicieuses est alors très mince.

Des serviettes sèchent parmi les détritus
Et puis... Sidartha, 10 ans
« Je n'aime pas Nicolas Sarkozy, le président de la France », me sort ce petit bonhomme haut comme trois pommes. Allez savoir pourquoi, il m'a séduite!! Cultivé, débrouillard, écologiste, Sidartha parle très bien l'anglais et le français, qu'il apprend à l'école. Il annonce de but en blanc qu'il travaille pour deux magasins auxquels il nous emmènera, si nous le souhaitons. Avec l'argent des commussions, il peut s'acheter des livres pour étudier. Pas question de demander de l'aide à ses parents, qui ne vivent même pas à Bénares. L'enfant rêve de devenir docteur et veut étudier le plus longtemps possible. Discours pour séduire le touriste? Je n'en n'ai pas l'impression; jamais il n'a voulu recevoir de pourboires après la visite guidée de la ville...

Les rives du Gange
Un temple interdit, le temple d'Or. Caché au bout d'une ruelle infranchissable sans être fouillé et dépouillé de son sac auparavant, ce temple ne laissent voir ses dômes dorés qu'aux croyants. Je laisse mon sac à Céline et part la première en expédition. Arrivée devant le temple, dont on ne distingue pas les dorures depuis l'extérieur, je m'arrête devant le panneau explicatif. Bien sûr, je ne m'aventure pas, les gardes à l'entrée ne me laisseraient jamais franchir le seuil sacré; un autre panneau indique d'ailleurs l'interdiction en grosses lettres. Un cri me sort de ma lecture attentive; je me retourne, un gros flic avachi sur une chaise face au temple me somme de venir le voir. Après une conversation des plus bizarres, installée à côté de lui, il me dit que je peux rentrer dans le temple... à une condition. De l'argent? Il s'amuse de ma réponse déplacée. Non, à condition que moi aussi, je prie Shiva. Est-ce une blague? Non, 5 minutes plus tard, après avoir été fouillée une nouvelle fois par une gardienne, avoir été renvoyée du temple par un gardien puis ré-autorisée sous les ordres du grassouillet bizarre, me voici en train de prier Shiva, devant un bassin rempli d'eau et de fleurs de lotus. Toucher la bosse dure qui dépasse due l'eau -le crâne de Shiva?-, puis mon front, puis l'eau, puis mon front...

Acrobatiques, les Indiens!
Le temple du Kama sutra: si nous n'avions pas été averties par un local, nous n'aurions jamais découvert ce petit temple tibétain... seul inconvénient, nous dit l'Indien francophone, le temple est cher... 10 roupies par personne (15 cts d'€); ça fait un peu mal d'entendre ça. Admirez plutôt quelques-unes des nombreuses sculptures érotiques qui ornent l'extérieur du temple...

Enfin, Varanasi ne serait pas Vanarasi sans ... les crémations. Brûler les corps, et répandre les cendres au-dessus du Gange. 3H pour brûler un corps, 200 corps par jour, c'est une véritable industrie... gérée par la caste des Dôms, les intouchables qui exercent le métier de balayeur. Seuls eux sont assez impurs pour servir de croque-morts; un batelier me dit qu'ils sont riches. Paradoxal non, des intouchables riches?!
Le soir, la vieille ville est un peu dangereuse. Un ami de Sidartha nous emmène donc voir les crématinsn. Bien sûr, tout au long de la soirée, le jeune francophone n'aura de cesse de nous faire rencontrer "fortuitement" ses « amis » qui tenteront de nous arnaquer: une fausse âme charitable qui récolte des fonds pour des hospices; un faux prêtre qui bénit nos familles lors de la Puja, etc. Les crémations sont impressionantes; je songe instinctivement aux bûchers des sorcières du XVI siècle. Les flammes s 'élèvent dans le ciel; je hume pour sentir et ne sens que le bois de santal. Puis soudain, l'odeur de chair cramée remonte jusqu'au fond de mes narines. Je sue à grosses gouttes. Il est l'heure d'aller voir la cérémonie du Puja...
(Le lendemain, je revois des crémations de jour. Sensations plus fortes que la veille, je vois les corps qu'on débobine de dizaines de tissus et qu'ono devine maigrelet sous leurs linceuls blancs, les odeurs plus fortes et me lèvent le coeur)

Et puis, Varanasi, c'est le Puja tous les soirs à la tombée de la nuit. C'est une céramonie en l'honneur du Gange qui dure près de trois quart d'heures. Le ghât principal grouille alors de monde, encore plus que d'habitude; il y en a autour des prêtres, dans les gradins, sur les terrasses en hauteur, dans les barques... Des enfants passent et vendent 10 roupies une petite écuelle de feuilles remplies de fleurs et d'une bougie, que l'on allumera en priant avant de la lancer sur les eaux sacrées, au milieu des barques, détritus, poissons et corps. La lumière est très jolie, l'atmosphère paradoxalement plus calme que pendant la journée. La cérémonie est, bien sûr, très belle, avec chants, encens, etc. Vous pouvez voir à la fin de ce post un extrait en vidéo.

Le soir, je dois rentrer dans mon grand hôtel luxueux, seule. Gros contraste avec le centre de Bénares. Je regrette de ne pas être avec Céline dans la rustique petite guesthouse, avec d'autres voyageurs, en train de cogiter devant le Gange, un bon lassi à la main. Ici le room service coûte cher et je bois un chaï pas bon pour 50 roupies; pendant ce temps, Céline en boit un délicieux à 6 roupies... Dans les grands hôtels, on ne rencontre personne... Non, décidemment, le luxe a ses limites!

Le lendemain, nous décidons de consacrer la fin de notre après-midi sur les traces de la route du bangh. Ayant apris dans le livre de Marc Boulet qu'il était en vente libre à Benares, ainsi que la marijuana, nous souhaitons voir de quoi il retourne. D'autant plus que j'ai remarqué sur un panneau à la Vishnou Guesthouse que les Bangh Lassi sont interdits, ce qui achève d'attiser ma curiosité. Nous faisons toute la Luxa Road, en vain. Après avoir demandé plusieurs, fois, avancé, reculé, traversé, etc, nous commençons à désespérer, quand une bande de jeunes nous renvoient vers un magasin... faux espoir, les jeunes ont compris "bango" et nous ont renvoyées vers un magasin de musique!!! L'occasion d'une bonne rencontre en fait, car nous papotons avec le vendeur, qui nous déconseille fortement l'absorption de telles drogues d'ailleurs... La musique est la meilleure des drogues, nous dit-il... Nous apprenons tout de même qu'on sent les magasins de bangh dans la rue... ça sent très mauvais lorsque l'on passe devant, nous dit-il encore. Je dois contenir l'éclat de rire qui monte en moi.. là où ça sent mauvais, en Inde, ce n'est malheureusement pas juste là où l'on malaxe des boulettes de bangh!!!

La luxa Road, à la recherche de boulettes...